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Secteur de l'hospitalisation privée

Découvrez l'interview croisée d'Anthony Monier, Président de la CPNE-FP hospitalisation privée et de Frédérique Bordet, Vice-présidente de la CPNE-FP hospitalisation privée. lls s'expriment sur les spécificités et enjeux de leur secteur.

Quelles sont les principales caractéristiques de votre secteur ?

Frédérique Bordet : Le secteur de l’hospitalisation privée regroupe le champ sanitaire avec les établissements privés de diagnostic et de soins, avec ou sans hébergement ; et le champ médico-social qui concerne les établissements pour personnes âgées. Le secteur est fédéré autour de deux syndicats patronaux : la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) et le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa). Le secteur compte 3 300 établissements et 250 000 salariés.

Anthony Monier : En matière de structures, notre secteur est composé de grandes et moyennes structures avec des grands groupes et des cliniques indépendantes. C’est une répartition à travers tout le territoire, des grandes villes jusqu’en rase campagne, ainsi qu’en outre-mer.

Quels sont les grands enjeux emploi-formation du secteur ?

F.B. : Nous avons aujourd’hui trois grands enjeux majeurs : la professionnalisation, l’alternance et l’attractivité des métiers. Le développement de l’apprentissage est un enjeu majeur pour le secteur, et bien évidemment pour l’ensemble de la population. Historiquement, dans la branche de l’hospitalisation privée, il y a toujours eu beaucoup de professionnalisation avec des parcours d’aide-soignant vers infirmier par exemple. Ce type de démarche représente une vraie opportunité d’élargir son socle de compétences, de faire évoluer les métiers. Cependant, les fonds qui auparavant nous permettaient de financer la professionnalisation ont été tous captés par le dispositif Pro-A.

Depuis des années, le secteur de l’hospitalisation privée tire la sonnette d’alarme sur la pénurie de métiers, cela a été fortement porté par l’ensemble de notre secteur. Récemment, une enquête menée par l’Ordre des infirmières révèle que 40 % des infirmiers veulent quitter le secteur, notamment depuis la crise sanitaire.

Je dirais qu’à N-1, nous avions déjà une crise importante avec les aides-soignants. A N+1, nous avons une crise de même envergure côté infirmiers. La fatigue physique bien sûr a créé une usure importante, mais le facteur stress aussi a épuisé les équipes, même dans les structures peu impactées par la crise sanitaire.

Frédérique Bordet

A.M. : Nous avons également un problème important de vocation. Le nombre d'inscrits à la formation d'aide-soignant est en baisse depuis quelques années, les promotions ne sont remplies qu’à 75 %, et en cours de formation, nous assistons à des ruptures de parcours. En conséquence, le nombre d’aides-soignants ou d’infirmiers qui arrive sur le marché de l’emploi est considérablement réduit. Encore une fois, le levier d’attractivité est primordial, et l’alternance peut être une réponse à la pénurie à laquelle nous faisons face. Toutes les CPNE-FP sont confrontés à la même problématique et subissent de la même manière les lois du gouvernement. Avant, en matière de financement, la promotion du secteur était relativement compliquée. Mais à présent, la professionnalisation est devenue encore plus difficile. La CPNE-FP de l’hospitalisation privée a toujours travaillé main dans la main, et d’un commun accord sur les enjeux du secteur, mais aujourd’hui, sans véritables moyens, nous ne sommes pas en mesure de fidéliser le personnel.

Sur quels sujets l’OPCO Santé peut vous aider à décliner la politique de l’hospitalisation privée ?

F.B. : Sur la question des contrats d’apprentissage, dont l’OPCO Santé a la charge, il est essentiel que les formations soient en adéquation avec les besoins du secteur, que l’OPCO Santé veille à la cohérence des dispositifs proposés. L’OPCO Santé peut aussi venir en appui des entreprises via des solutions de cofinancements. Aujourd’hui, un aide-soignant qui part pour trois ans de formation, c’est 100 000 € de financement. C’est un budget très élevé alors que le secteur n’a plus de financements. Et face à la crise économique qui se dessine, les entreprises seront encore moins en capacité de faire face. Aussi, l’OPCO Santé a un rôle majeur à jouer dans le financement des formations, et par conséquent dans notre politique de secteur.

A.M. : On perd un précieux bagage quand les personnes quittent le secteur. Si l’on pouvait retenir les infirmiers en leur proposant des formations différentes, en leur permettant de rester dans l’hospitalisation privée tout en se réorientant, on y gagnerait énormément. Mais malheureusement, aujourd’hui c’est impossible. Nous devons être en mesure de créer des passerelles vers d’autres cursus de formation, de mettre au point un système de validation des socles de compétences, c’est indispensable. Là aussi, l’OPCO Santé peut faire bouger les lignes.

Antony Monier

 

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’OPCO Santé ?

F.B. : L’OPCO Santé doit pouvoir développer une offre de services qui réponde aux besoins de notre secteur. Nous avons besoin d’un appui technique, notamment en matière de GPEC. C’est pleinement la mission de l’OPCO Santé avec la certification, et l’accompagnement des TPE-PME qui sont très présents dans le secteur de l'hospitalisation privée. Nous comptons sur l’OPCO Santé pour assurer la proximité, faire le relais. Ce sont des impératifs pour mener à bien cette mission. La question de la formation à distance qui a complètement explosé est aussi très importante. L’Action de formation en situation de travail (AFEST) notamment est un enjeu important de ce sujet.

A.M. : Nos métiers sont hyper bordés. Il y a très peu de passerelles entre les cursus de formation. Nous avons une absence d’adéquation entre les cursus et les besoins du métier. Les cursus sont devenus trop « scolaires » avec une insuffisance de stages pratiques. 

Aujourd’hui, on se retrouve face à un personnel infirmier qui maîtrise mal la pose d’un cathéter par manque de stage pratique. À l’époque de cette réforme, si nous avions eu l’OPCO Santé à nos côtés, nous aurions eu plus de poids pour faire comprendre que la formation pratique est essentielle. Mais aujourd’hui, grâce au poids de l’OPCO Santé, nous pouvons faire avancer les choses et améliorer la formation professionnelle, l’adapter aux besoins du secteur. L’OPCO Santé peut être garant de la qualification. Il peut être le lien avec la réalité du terrain, faire comprendre les besoins réels des branches concernées. L’OPCO Santé a pleinement un rôle à jouer sur ces questions et peut faire une vraie différence. Pour nous, assurer les compétences et préserver les vocations sont les mots-clés.