Comprendre la formation professionnelle par son évolution lexicale
Depuis les années 70, le marché du travail a subi des transformations majeures, et les diverses réformes de la formation en sont la conséquence. C’est dans ce contexte que la formation professionnelle devient un moyen de réguler le marché de l’emploi mais surtout un outil pour permettre de faciliter l’adaptation des salariés aux nouvelles exigences du travail.
Ces dernières années, des reformes voient le jour presque tous les 5 ans. Elles sont, le plus souvent, issues de négociations nationales signées par la plupart des partenaires sociaux.
La capacité des partenaires sociaux à assurer les garanties collectives en matière sociale fait du système de la formation professionnelle une exception culturelle française.
Depuis la loi Delors de 1971, le droit de la formation professionnelle est régi par le code du travail avec une obligation de financement par l’employeur.
50 ans d’évolution lexicale pour la formation professionnelle
L'évolution lexicale se révèle être un guide précieux pour décrypter les moments clés de l'histoire de la formation professionnelle. Au fil des décennies, les termes et expressions utilisés pour décrire ce champ d’activités ont évolué, témoignant des changements de paradigmes, des enjeux économiques émergents et des réorientations stratégiques. Scruter cette évolution nous offre ainsi un éclairage détaillé sur les grandes étapes qui ont façonné la formation professionnelle au fil du temps.
• Dans les années 60, “l'Éducation permanente”, née du mouvement de l'éducation populaire, devient une promesse de développement humain et d'accès à la culture pour tous et à tous les âges. En tenant compte de l’expérience professionnelle des adultes et de leur motivation à apprendre après le travail, on reconnaît la nécessité de les former différemment des enfants.
Bertrand Schwartz, le père fondateur des missions locales, défend un apprentissage spécifique à l’adulte et développe l'idée d'une éducation permanente comme une "école de la deuxième chance", visant à combler les inégalités éducatives et sociales initiales. C'est ainsi qu'émerge progressivement l'idée d'une formation permanente comme un bien universel en France. En parallèle à l'évolution d'une pédagogie adaptée aux adultes, se pose rapidement la question de la reconnaissance des savoirs issus de l’expérience professionnelle.

• A partir des années 80, tout en maintenant les principes de l'éducation permanente, l'attention se porte davantage sur “la formation continue”. La formation continue s'adresse aux adultes qui, après avoir quitté un premier cycle d'études, choisissent de reprendre des études.
Une distinction existe alors entre la “formation professionnelle initiale” destinée aux jeunes et souvent dispensée par les lycées professionnels et la “formation professionnelle continue” qui s’adresse aux adultes et que la formation continue abrite.

• Dans les années 90, l’apprentissage commence à être valorisé dans l’enseignement supérieur mais une opposition persiste entre un modèle éducatif axé sur l'acquisition des savoirs à l'école et un modèle privilégiant les apprentissages en situation de travail.
• A partir des années 2000, “la Formation Tout au Long de la Vie” (FTLV) s’impose. Elle trouve ses racines à la fois dans le rapport Condorcet de 1791 qui en pose les fondements mais aussi dans une résolution européenne de 2002. En effet, cette dernière définit la FTLV comme "toutes les activités d'apprentissage menées au cours de la vie dans le but d'améliorer ses connaissances, ses qualifications et ses compétences, que ce soit dans une perspective personnelle, citoyenne, sociale ou en vue d'un emploi".

• Aujourd’hui, le développement de l’alternance, pour les jeunes comme pour les adultes, estompe les frontières entre la formation professionnelle initiale et la formation professionnelle continue.
C’est ainsi que la loi de 2018 met l’accent désormais sur la formation professionnelle, sans distinction.

Ce qu’il faut retenir :
Même si le vocabulaire utilisé pour décrire la formation professionnelle subit des changements au fil des réformes, la sémantique adoptée à partir des années 2000 semble perdurer et se reflète dans la plupart des réformes suivantes.
L'époque du plein emploi, où le contrat à durée indéterminée était la norme, est maintenant révolue. Face à la précarité croissante de l'emploi et à des carrières de plus en plus discontinues, chaque professionnel est encouragé à devenir "l'entrepreneur de sa propre employabilité"*, à adopter la logique de compétence et à s'engager dans un processus de professionnalisation tout au long de sa carrière.
*Boltanski, L., Chiapello, E. (1999). Le nouvel esprit du capitalisme. Paris, Gallimard, p.43.
Avec l'introduction du Compte Personnel de Formation (CPF) et le transfert de la responsabilité de la formation professionnelle de l'entreprise vers l'individu, une nouvelle ère a commencé. Cette approche vise à individualiser le processus, donnant aux individus les moyens de construire leur parcours professionnel.
Deux tendances de la formation s’observent aujourd’hui :
- avec d’un côté, la désintermédiation marquée par la reconnaissance du droit individuel à la formation pour tous, notamment pour les demandeurs d’emploi,
- et de l’autre, l'essor de l'alternance et de l’apprentissage à tous les âges.